A l’orée de la Ve République, Faure Gnassingbé initie une recomposition subtile des équilibres du pouvoir. La désignation consensuelle de Jean-Lucien Savi de Tové à la présidence de la République, bien que symbolique, traduit une stratégie assumée d’ouverture et de légitimation politique. Derrière ce geste, se dessine une volonté de maîtrise de la transition institutionnelle, sans rupture apparente mais avec un message d’inclusion.
Le 3 mai 2025 marque un tournant politique majeur au Togo. En prêtant serment comme président du Conseil, Faure Gnassingbé inaugure le régime parlementaire. Mais au-delà de ce changement de régime, un geste fort retient l’attention : la désignation de Jean-Lucien Savi de Tové, ancien opposant au père du président, comme premier président de la République de cette nouvelle ère. Un signal clair d’ouverture, porté par une majorité parlementaire acquise à UNIR, le parti dirigé par Faure Gnassingbé lui-même.
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Le contexte aurait pu être celui d’un repli sur le pouvoir, d’un verrouillage renforcé du système, d’autant que l’Union pour la République (UNIR) détient 108 des 113 sièges à l’Assemblée nationale. Et pourtant, c’est une figure indépendante, ancien opposant et homme d’expérience, qui a été portée à la tête de la présidence de la République certes honorifique dans la nouvelle Constitution, mais hautement symbolique.
Une stratégie d’apaisement et de légitimation
Jean-Lucien Savi de Tové, ancien critique du régime de Gnassingbé père, devenu par la suite ministre sous Faure Gnassingbé, a été élu à l’unanimité par les 150 membres du Congrès. Une élection sans contestation, sans tension, mais sur la base d’inclusion.
En validant sans l’imposer bien sûr comme candidature consensuelle issue des rangs de l’ancienne opposition, le chef de la majorité parlementaire fait un geste fort. Loin des postures autoritaires que beaucoup redoutaient avec la mise en place d’un nouveau régime, Faure Gnassingbé choisit de tendre la main à une figure modérée et respectée. Ce choix offre une respiration démocratique à la Ve République naissante.
Cette décision envoie également un message aux partenaires internationaux, à la société civile, et à l’opposition togolaise. Le pouvoir, bien que concentré au sein du Conseil, n’est pas fermé à la diversité des voix. En désignant une figure extérieure au premier cercle du pouvoir exécutif comme visage du pays à l’international, le Togo fait montre d’une volonté de rupture avec l’hégémonie absolue.
Une gouvernance de dialogue en perspective ?
Rien n’obligeait Faure Gnassingbé et sa majorité écrasante à sortir de leurs rangs pour désigner un chef de l’État. Ce choix, symbolique, vient pourtant inscrire l’action du président du Conseil dans une dynamique plus large : celle d’une gouvernance fondée sur le dialogue, le respect institutionnel, et l’ouverture.
Il reste désormais à observer si cette posture s’enracinera dans les pratiques quotidiennes de l’exécutif. Les Togolais attendent des gestes forts en faveur de l’apaisement politique, du renforcement des libertés, et d’un fonctionnement plus équilibré des institutions. Si elle se prolonge dans les actes, l’inclusion pourrait devenir le fondement d’une nouvelle légitimité politique pour Faure Gnassingbé, à l’aube de ce tournant institutionnel majeur dans l’histoire togolaise.